Le Marathon Canadien de Ski (MCS) est la plus longue épreuve de ski de fond en Amérique du Nord, 160 km (163,7 km exactement), qui se répartissent en 2 jours soit à peu près 80 km par jour. C'est aussi la plus ancienne épreuve en Amérique, il a été tenu pour la première fois en 1967, lors des 100 ans du Canada. Il s'agit plus d'un évènement populaire que d'une compétition, les skieurs ne sont pas chronométrés et sont là plus pour le plaisir de skier et le défi personnel que la performance. L'évènement attire en moyenne 2000 personnes, venant principalement du Québec, de l'Ontario et du nord-est des États-Unis.
La piste reliait à l'origine les villes de Gatineau et La Chute en longeant plus ou moins la rivière des Outaouais. Montebello était le point central et l'étape intermédiaire. À cause de l'enneigement de plus en plus incertain ces dernières années, il part maintenant d'un peu au sud de Saint-Jovitte (Mont-Tremblant) pour se rendre à La Chute, en faisant un crochet par Montebello, qui reste l'étape intermédiaire. La piste est tracée une seule fois par année pour l'évènement et passe en majorité sur des terres privées.
Pourquoi j'en parle ici ? Ça me titillait depuis que j'en ai entendu parlé en arrivant au Québec, mais cette année je m'y suis inscrit et suis très fier d'avoir skier l'intégralité des 160 km en 2 jours ! Je fais un petit retour sur mon expérience.
Il y plusieurs catégories lors de l'inscription, on peut soit faire le demi-marathon, le marathon entier (Coureur des Bois) ou les sections que l'on veux (Randonneur) (le parcours est divisés en 10 sections de 16 km chacune en moyenne). Jusqu'au dernier moment avant mon inscription, j'ai beaucoup hésité dans quelle catégorie m'inscrire. J'étais plus partant pour faire le marathon entier au début, puis à un moment j'ai douté beaucoup, je n'arrivais pas à m'entrainer autant que je voulais (on a eu un décembre sans neige) et j'ai fini par m'inscrire dans la catégorie Randonneur. Comme ça je me suis dit que si je ne skiais pas les 10 étapes, je ne perdais pas le défi. Le prix a joué aussi, car les frais de participation sont assez cher : 300 $ pour les Coureurs des Bois contre 200 $ pour les Randonneurs. Puisque les Randonneurs peuvent quand même skier l'intégralité du marathon, les 100 $ ne se retrouvent que dans la médaille à la fin, ça ne justifiait pas la différence pour moi. Surtout qu'à cela, il fallait ajouter les frais d'hébergement pour vendredi et samedi (150 $ pour dormir par terre dans les salles de classe de l'école de Papineauville et manger à la cantine de l'école) + plus la navette depuis Montréal (100 $), plus toutes les taxes… Bref ça faisait un sacré budget et faisait cher le kilomètre skié. Mais je dois admettre que c'était toute une organisation sur place vu le nombre de participant et c'était assez bien rodé.
La veille du marathon, j'avais encore changé d'avis et je voulais à tout pris skier les 80 km par jour. Sauf qu'une chose que j'ai appris au dernier moment est que les Randonneurs qui veulent skier les 10 sections sont clairement pénalisés par rapport aux Coureurs des Bois : les Coureurs des Bois partent à 5h, le départ des Randonneurs est à 7h30 et il y a un cutoff à 15h30 pour tout le monde au départ de la dernière section de la journée. Ça laisse beaucoup moins de temps aux Randonneurs ! Donc au final, je me retrouve avec un défi supplémentaire, skier les 4 premières sections de chaque jour plus vite que les Coureurs des Bois pour arriver avant le cutoff de 15h30.
Dans ma tête, c'était donc un défi de 66 km à skier en 8h, pauses comprises, puis les 15 km de la dernière section du jour que je pouvais skier à la vitesse d'un piéton si je serai à bout, ça n'aura plus d'importance. J'ai calculé précisément mes heures de passages aux différents checkpoints. Je devais skier à une vitesse minimum de 9 km/h et pouvais m'arrêter maximum 15 minutes à chaque checkpoint pour refaire le plein d'eau, manger et refarter mes skis si besoin. La veille, j'ai appris par cœur mes heures de passage et j'ai mémorisé le plus de détails possible des cartes des sections (traverses de routes, de lacs, grandes côtes, passages dans les champs) de façon à me donner des points de repères une fois sur la piste pour situer mon avancement ; 80 km c'est long et il est facile de se « perdre » dans les chiffres et d'avoir l'impression de ne pas avancer si dès le départ au matin l'objectif est le 80 ème kilomètre. Voir que j'arrive effectivement à telle place alors que j'en suis qu'au 38 km est très motivant et rassurant à la fois. Et je me prépare ensuite à atteindre le prochain repère, peut-être juste 10 km plus loin. En fait, je me fous complètement du tout dernier kilomètre.
De manière générale, je suis (assez involontairement mais maintenant que j'en ai conscience ça devient moins involontaire) pessimiste concernant mes objectifs, ce qui fait que je les surpasse bien au delà et ça devient une source de motivation plus grande. Dans ce cas si concrètement, mes heures de passage étaient vraiment le minimum, le cas vraiment limite (je skie plus vite que 9 km/h), donc à chaque fois j'arrivais toujours avec 5 ou 10 minutes d'avance sur ce que j'avais en tête. Là encore, ça me rassurait et me motivait pour la section suivante, où je me mettais au défi de maintenir mon avance ou faire encore mieux.
Le premier jour, je suis arrivé à 1h05 avant le cutoff, 1h05 d'avance sur ce que j'avais prévu, et 40 minutes d'avance pour le deuxième jour. J'ai fini la première journée à 16h30 et 16h37 le lendemain, en skiant à peu près 8h à 10,5 km/h de moyenne plus 1h de pause au total. Je skie habituellement entre 10 et 11 km/h et avant le marathon, je doutais être capable de maintenir ma vitesse habituelle sur une aussi grande distance. Mais en faisant des stats par section, je ne constate aucune baisse de vitesse en fin d'épreuve (sauf la dernière section du premier jour où je me ralentissais volontairement pour ne pas me bruler inutilement pour le lendemain). Même, je me sentais bizarrement encore plein d'énergie, en tout cas d'un point de vue mental et cardiaque, mes muscles eux commençaient à fatiguer sérieusement.
Autant j'ai skié plus vite que prévu, autant la durée des pauses passait très rapidement. Le fait est que contrairement à la course à pied, c'est bien moins facile de boire et manger en skiant, avec les bâtons, gants et dragonnes ergonomiques, alors que mon eau est coincée quelque part contre mon ventre pour éviter le gel au lieu d'une simple poche d'eau avec un tuyau comme en trail. Donc je me ravitaillais essentiellement aux checkpoints qui étaient d'ailleurs pas mal bien fourni (eau chaude miellée, soupe, chili, bananes, barres de céréales…).
L'autre chose étaient les conditions de ski assez difficiles : il y a eu plusieurs épisodes de pluie puis du regel la semaine précédent l'évènement et la neige était très transformée. Les 2 jours on a eu un grand beau soleil, bien agréable mais n'améliorant pas les conditions, la température oscillait entre -15 à -3 °C suivant l'avancement de la journée. Bref, des conditions très printanières, la glisse était rapide mais le fartage n'était pas évidant. Malgré une base de liant que j'avais appliqué à chaque fois la veille, le fart de jour ne durait pas longtemps avec les conditions abrasive et je refartais tous les 15 à 20 km en moyenne, et dépendamment de l'évolution de la température (après coup, à des moments j'aurai vraiment du m'arrêter et prendre 5 minutes pour ajuster le fartage au lieu de me fatiguer à skier sans plus aucun kick et me disant que sa attendra le prochain checkpoint). Par contre une chose de vraiment bien, des exposants étaient là à chaque checkpoints pour farter les skis ; j'arrivais, je leur laissais mes skis, je mangeais et buvais un bout puis dès qu'ils avait fini avec mes skis je repartais. Ça me faisait gagner pas mal de temps.
Par rapport à la course à pied, c'est bien plus facile, je ne me verrai pas du tout courir pendant 8h par exemple. Déjà il n'y a pas toute la fatigue du aux chocs à chaque impact, c'est que de la glisse, je peux me reposer en descente (si elles sont pas trop raides) et je peux changer de technique pour reposer plus le haut ou le bas du corps quand l'un ou l'autre fatigue. Je faisais même du pas de patin sur les pistes de motoneige pour varier un peu, preuve que ce n'était pas le cardio mais plus les muscles qui fatiguaient.
Au niveau des paysages traversés, c'était très varié, certaines sections étaient très belles, d'autres moins. On a traversé des pinèdes, des érablières et des forêts de cèdres, des terrains de golf, des champs, passé au travers de fermes, skié le long de routes et dans des vallées, traversé des lacs et des rivières, on a skié dans un tunnel sous l'autoroute… Par moment on était sur des sentiers étroits dans le bois, d'autres fois sur des larges pistes de motoneige.
Finalement je ne regrette pas de m'être inscrit en tant que Randonneur, ça a été un défi supplémentaire par rapport au temps, j'ai pu dormir plus longtemps que les Coureurs des Bois qui se levaient à 3h pour partir à la nuit, et aussi, comme peu de Randonneurs faisaient la première section de la journée, on était qu'un petit groupe de 20/30 personnes à partir au lieu des centaines de Coureurs des Bois qui, eux, partaient tous en même temps et créaient des gros bouchons (de ce qu'on m'a raconté).
D'ailleurs dans la catégorie Coureurs des Bois, il y a une catégorie spéciale pour ceux qui dorment dehors. C'est en fait le défi ultime, skier avec tout son matériel de camping d'hiver et dormir au camp aménagé (avec feu de camp et balles de foin) le samedi soir. Moi personnellement, je ne regrette pas du tout de trouver une douche et un endroit chaud et sec après 80 km de ski. Je m'étais dis à un moment que j'essayerai le camping d'hiver au Québec, mais finalement… ça me tente plus trop !
Bref, le Marathon Canadien de Ski aura été pour moi une superbe expérience, j'en garde plein de bon souvenir et je suis pas mal plus confiant et fier de mes capacités en ski de fond. Presque je m'en veux un peu d'avoir douté de mes capacités au moment de l'inscription !