Bâton de marche en bambou

J'ai été longtemps convaincu que les bâtons de marche étaient une pure invention marketing, qui voulait insinuait qu'on n'était pas capable de marcher uniquement avec ses 2 jambes.

Finalement après plusieurs années d'utilisation, je ne pourrai plus m'en passer pour des randonnées de plus d'un jour. Les avantages que je trouve aux bâtons, dans le désordre :

  • sonder le terrain, notamment en zone marécageuse ;
  • faciliter la traversée de rivières à gué ;
  • faciliter la traversée de névés peu pentus si on a ni crampons ni piolet ;
  • réduire effectivement la fatigue après plusieurs jours de marche, permettre d'aller plus vite sur du plat ;
  • mât pour l'abri, si on bivouaque souvent dans des endroits sans arbres (alpages/prairies) ;
  • enlever les toiles d'araignées, la pluie/rosée sur la végétation avant de passer ;
  • se protéger des chiens (il ne faut pas espérer grand chose si ils sont plusieurs, j'ai testé).

Par contre ils deviennent encombrants quand il s'agit de passer sur certaines parties abruptes, en haute montagne.

Étant donné qu'un des buts est de réduire la fatigue, ça me semble encore plus important d'avoir des bâtons aussi légers que possible pour ne pas la reporter sur les bras.

Choix du matériau

Les bâtons du commerce sont généralement fait en alliage d'aluminium (généralement un alliage de type 7000) ou en carbone. Ce n'est pas forcement évidant de trouver ces 2 matières premières, et pour le carbone, c'est en plus cher, fragile à la torsion et difficile à usiner.

À l'inverse, le bambou a de nombreux avantages :

  • prix ridicule, trouvable dans n'importe quelle jardinerie (tuteur), choix de plusieurs diamètres ;
  • bois dur, fibreux et résistant, on peut prendre un petit diamètre pour avoir un bâton plus souple/dynamique ;
  • léger (l'intérieur est creux), il sèche avec le temps donc devient encore plus léger ;
  • l'espèce de fine écorce empêche l'eau de pénétrer et donc le bois ne moisi pas ;
  • facile à travailler.

Pour le reste, j'ai fait dans l'économique, et tout est trouvable dans n'importe quel magasin de bricolage pour quelques euros :

  • pointe : vis à tôle autotaraudeuse ;
  • embout en caoutchouc antidérapant ;
  • jonction des 2 brins : tube d'aluminium ;
  • rondelle de bâton de ski pour le mode hiver ;
  • poignée : corde de chanvre et boule de liège (porte-clés flotteur), ça c'était un peu cher par contre ;
  • fil de fer et colle à bois.

Réalisation

Le but était d'avoir 2 brins pour pouvoir les démonter et les transporter facilement en train/covoiturage/stop.

Pointe

Les pointes des bâtons du commerce sont faites généralement en tungstène, donc pas mal cher, et c'est pas adapté aux terrains rocailleux du sud-est de la France, ça n'accroche pas et fait du bruit.

J'ai donc mis des embouts en caoutchouc antidérapants. C'est bien plus durable que ce que je pensais (je ne les ai jamais changés) et accroche plutôt bien sur la pierre. Par contre ça ne va pas du tout sur de la terre/herbes. Pour ces terrains là, j'ai rajouté une vis à tôle autotaraudeuse (pointe plus grosse). La pointe s'émousse assez rapidement mais ça n'impacte pas trop l'accroche. Et à raison de quelques centimes la vis, je peux me permettre d'en changer !

Assemblage de l'embout en caoutchouc et la vis en bout de bâton :

Poignée et dragonne

Pour continuer dans le « rustique », j'ai fait la poignée en corde de chanvre, enroulée sur une zone préalablement poncée où j'ai appliqué une couche de colle à bois. Le résultat est mitigé, c'est confortable mais le diamètre est trop petit, ce qui fait que je n'ai pas une bonne prise en main par là.

Par contre j'ai ensuite rajouté une boule de liège (porte-clés flotteur de marin) en bout de bâton : celle permet d'éviter que l'eau ne s'infiltre par le haut du bâton, sert de poignée et permet d'avoir une surface arrondi pour soutenir mon abri sans abimer la toile. J'ai extrudé la boule puis collé à la colle à bois. C'est super confortable comme poignée et j'ai bien plus d'appui avec ma main à plat sur la boule qu'à tenir une poignée verticale, même comparé aux poignées ergonomiques des bâtons traditionnels ! C'est vraiment le truc à retenir si j'ai à en refaire.

Pour la dragonne, un simple bout de sangle que j'avais fait la job.

Assemblage des 2 brins

C'est la partie où j'ai le plus hésité et dont je ne suis pas pleinement satisfait. Mais à date je n'ai toujours pas trouvé de meilleure idée.

Premier essai en insérant une grosse cheville de bois dans les 2 brins : ça ne tient pas et le bambou s'est très vite fendu.

J'ai donc fait l'inverse, c'est à dire emboité avec force les 2 brins dans un manchon de diamètre plus gros. Problème : en hivers quand le bout du bâton est coincé dans la neige, le fait de tirer dessus peut faire sortir un des 2 brins du manchon. J'ai donc percé un trou transversal dans le manchon et dans chaque brin puis inséré un bout de fil de fer pour les bloquer.

C'est bien mieux mais un autre problème persiste : après plusieurs jours sous la pluie, l'eau s'infiltre entre le manchon et le bambou, qui finit par gonfler. Résultat : impossible de déboiter les 2 brins en fin de rando. J'ai essaye de mettre du ruban de téflon pour faciliter le démontage, ou imprégner les bouts d'huile de lin pour limiter l'absorption d'eau mais ce n'est pas très satisfaisant.

Les problèmes qui persistent donc :

  • le bâton est très fragilisé (dû à la différence de souplesse entre l'aluminium et le bambou) comparé à un bâton monobrin ;
  • le diamètre interne du manchon n'est pas exactement identique au diamètre des brins, donc soit il y a du jeu, assez désagréable à l'utilisation soit les brins sont coincés dans le manchon dépendamment du taux d'humidité dans le bois ;
  • le bout de fil de fer qui bloque le brin n'est pas super facile à mettre/enlever pour les démonter.

Mode hiver

Pour l'hiver, j'ai rajouté des rondelles de bâtons de ski. C'est des rondelles à visser donc forcement ne s'adaptaient pas très bien à mes bâtons. J'ai percé un trou transversal dans chacun des bâtons puis passé un bout de fil de fer en guise de bloqueur. Pour éviter qu'elles ne redescendent tout en bas, j'ai rajouté un bout de chambre à air (ce qui me laisse la possibilité de les retirer au printemps).

Je change généralement aussi les vis pour en mettre des neuves pour mieux accrocher sur la neige gelée.

Retour d'utilisation

Après 2 ans d'utilisation, à raison de grosso-modo 5 semaines de rando par an : les bâtons sont toujours parfaitement fonctionnels, mais il faut noter 2 problèmes :

  • des petites fissures apparaissent le long des brins. Pour l'instant ça ne me semble pas trop inquiétant, mais à surveiller ;
  • j'ai cassé un des 2 bâtons lors d'une chute en descendant dans un pierrier, sans surprise à la jonction avec le manchon. Mais le gros avantage du bambou, c'est qu'en retaillant un peu au couteau, j'ai pu refaire rentrer le brin dans le manchon, ça a dû me prendre 10 minutes de réparation en tout sur le terrain.

J'ai donc maintenant un bâton légèrement plus court que l'autre, mais ça ne se sent pas à l'usage, vu que de toute manière le terrain n'est jamais plat…

Pour améliorer la durabilité du bambou, il faudrait dans l'idéal l'acheter encore vert et le traiter à la flamme, comme ce qui est fait pour les cadres de vélo en bambou par exemple (ou peut-être que du bambou déjà traité se vend déjà, pas au même prix par contre).

Le plus gros problème qui persiste pour moi est cette histoire de brins qui ne s'emboite pas parfaitement dans les manchons.

Par contre je suis clairement convaincu des caractéristiques du bambou pour des bâtons de marche, et je ne comprends pas pourquoi il ne s'en vend pas (c'est sûr que ça fait pas assez classe que du carbone…).